Dix huit heures de train en compagnie d'une petite famille venue célébrer la Diwalli, la fête des lumières, dans leur région d'origine. Long, mais charmant moment. Nous étions tous dans nos couchettes vers les 19heures et 30, mais le sommeil est difficile quand on se fait brasser sur les rails. Je sauterai ici la description des gares de départ et d'arrivé. Chaos organisé, dans lequel on finit toujours par trouver sa voie... ferrée.
Depuis le quatre au matin, j'habite une jolie petite chambre-maisonnette dans laquelle il y a deux lits simples, une étagère, une table ou j'ai installé un petit autel et une "boîte de méditation". Oui oui! Une boîte! Carrée, avec une tablette au devant pour déposer mes lectures, mon malla et tout ce qui peut inspirer mes pratiques méditatives. Dans la boîte? Un grand coussin carré deux petits ronds... et moi. Vous ai-je déjà dit que je suis un chien dans le système astrologique tibétain? Je suis donc tout à fait à l'aise dans ma boîte!!
Ce matin, en sortant du petit-déjeuner, j'ai pris la route pour me rendre vers l'ordinateur depuis lequel je vous écris ces mots et un Indien m'a sourit puis demandé, sûr de lui: China?! J'avais pourtant mes verres-fumés roses, ceux derrière lesquels je ne peux pas cacher mes yeux. Je les ai levé pour lui faire voir mon visage tout rose et mes yeux de "blanc", puis j'ai répondu: Canada! On a tous les deux éclatés de rire puis on s'est donné des petites tapes affectueuses à l'épaule. Ils sont comme ça par ici. Tout pour établir un contact avec les autres.
Vous me connaissez, j'ai déjà fait plein d'amis. Deux petits moines en robes oranges (13 et 10 ans} accompagnés de leur papa, lui aussi moine Theravadin, je les rencontré à tous les jours et ils m'ont même invité dans leur très humble demeure, ne sachant plus quoi m'offrir pour montrer leur affection. Le papa de 42 ans, tête grise, m'a longuement serré dans ses bras avec une bouffée de tendresse comme je n'en avais pas ressenti depuis mes derniers jours de vacance avec mon amour. Je me suis aussi lié d'amitié avec quelques habitants du coin dont un marchand de vêtements et de livres de 25 ans qui est marié à une belge. Avec lui, j'ai des conversations fort sympatriques et parfois tout à fait hilarantes. Finalement, j'ai reçu l'amitié d'un jeune handicapé dont les jambes sont complètement atrophiées par la Polio et qui malgré son affliction déambule avec tant de vaillance. Uttam est âgé de 20 ans, il vend des photos et des posters près du Temple Mahaboddhi et avec lui je prend le thé à tous les jours, pour le simple bonheur d'être en sa lumineuse présence. Sourire désarmant, beau comme un ange et des yeux bleu-vert sur un visage foncé comme le chêne. Hier, il a demandé à m'accompagner et il a passé son temps à me répéter combien il était heureux d'être là. Oufff!
Ici c'est l'Inde pauvre, très pauvre! Les mendiants bordent les chemins menants vers les temples et les garçons de tous âges courent après les touristes pour jouer au guide ou offrir des cartes postales, moyennant quelques roupies. Jusqu'à aujourd'hui, c'était fête au village et le bruit des haut-parleurs crachant musique indienne et chant Hindous, entraient en compétition avec les douces psalmodies des moines venus de toutes les traditions et de tous les horizons.
Comment je me sens ici? Tellement bien! Mon lieu de résidence étant à 15 minutes de marche du lieu sacré, je m'y rend tous les matins, reviens pour dîner, puis y retourne pour passer la fin de l'après-midi. Qu'est-ce que j'y fais? Je contemple... Tout! Je m'incline, j'effectue mes pratiques méditatives et je cueille tout ce que je peux de paix et de sérénité sous l'arbre de l'Éveil, là où Sakyamuni émergea du samsara. Vous qui n'êtes pas tous nécessairement en pays de connaissance avec toute cette "bouddhéité", veuillez excuser le fait que je m'exprime ici dans une "langue" qui ne vous est pas nécessairement familière. Mais pour tous ceux qui ont comme moi quelques accointances avec le Dharma, disons que ce haut lieu bouddhiste qu'est Bodh-Gayâ est tellement remplit de cette force de l'esprit d'éveil, que l'on fait ici des pas de géant sur le sentier qu'on a déjà parcouru depuis la première prise de refuge. La pratique des ngöndros effectuée ici, laisse des empreintes qui ne s'effaceront pas.
Pendant les quelques jours que je serai ici (15 au total), il y a une série d'enseignements donnée par des moines venus de différents coins d'Asie (Thaïlande, Laos, Bengladesh, Inde, Tibet) et même si l'on ne comprend pas les langues qui sont utilisées, on ressent cette beauté des mots et cette profondeur de compréhension transmise par les enseignants. C'est comme un festival des grandes écoles de la philosophie bouddhiste. Mon plus grand bonheur au milieu de tout ça? Les humains que je croise et avec lesquels je m'assois, en toute sérénité et en toute paix, sous l'Arbre, ce descendant direct du grand Ficus Religiosa (boddhi tree), qui offrit l'ombre nécessaire au Prince des Sakyas, pour qu'il puisse arriver à sa grand réalisation:
Rien n'existe de façon intrinsèque,
Tout existe d'origine dépendante (dependently originated).
Il n'y a donc RIEN à quoi s'attacher et souffrir indubitablement.
Simple? Des millions d'Êtres humains s'assoient tous les jours de leur vie pour RÉALISER cela!
Sur mon chemin j'ai trouvé un magnifique petit livre écrit par le cinéaste qui nous a donné ces deux petits bijoux de films: The cup (La coupe) et Travellers and Magicians (Voyageurs et Magiciens) , Dzongkar Kyentse Norbu. Le titre (en anglais) est What makes you not a buddhist. On l'a traduit en français par N'est pas bouddhiste qui veut. À lire pour mieux comprendre le bouddhisme. Rien de religieux comme livre, je vous rassure! Mais remplit d'un humour qui m'a bien déridé. Voici les couvertures des deux versions:
Il est 10 heures et quinze, le climat est comme à la mi-juillet au Québec (29C et soleil brillant), mais comme il fait frais la nuit et que l'air est très sec le jour... aucune souffrance de ménopause n'est ici possible ;-)
Voila!
Que la sérénité trouvée ici soit contagieuse!
Pour terminer, je vous invite, si vous avez envie de faire un geste porteur d'éveil, à prendre un moment, ce soir, pour allumer une petite bougie (et l'offrir à ce que vous trouvez de plus grand: Shiva, Jésus, Bouddha, Mahomet, Dieu, La Vie, l'Humain, etc.) et à le faire à l'intention de Jean-Pierre Dumais, décédé d'un infarctus, le 18 octobre dernier. Je serai heureux à la pensée que vous aurez généreusement accomplit ce geste.
Avec tout mon affection,
Bonne continuité
Raymond Thundup